Artiste peintre plasticienne - Correspondante presse IT ART BAG - Commissaire d'exposition
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Extraits article de Leïla CADET – Historienne de l’art
Septembre 2011
"VALMIGOT, peintre et plasticienne, nous propose, dans son exposition Conte de faits, une narration picturale engagée dans la mesure où cette artiste s’intègre, en tant qu’être pensant, dans les problématiques contemporaines qu’elle étudie sous le prisme de la presse, univers qu’elle connaît intimement ayant travaillé dans un journal ; et engageante car elle nous invite à nous interroger sur notre propre implication quant à la réception, puis l’analyse ultérieure, de l’Information.
Donc, laissons-nous à présent « compter les faits » — ceux-ci se déroulant alors comme autant d’exemples, autant de preuves, d’emballement médiatique — par ce peintre passionné et, par là même, passionnant.
Ainsi, VALMIGOT, au sein de l’exposition Conte de faits, dont le titre même n’est pas exempt d’humour vu le jeu de mots qu’il présente, pose un regard sur le monde de la presse au travers d’un hommage non dissimulé au journal tropézien La Tribune de Saint-Tropez, dont elle décline le visuel rouge de couverture au fil des œuvres (ce dernier est peint, découpé, manipulé mais reste reconnaissable).
L’exposition débute sur une « toile-livre »[1] qui délimite le sens du mot Tribune et donne le ton du développement de ce cycle pictural : « la tribune est une rubrique d’un journal ou d’un autre média, où une personne expose son opinion en n’engageant que sa responsabilité », définition qui annonce d’emblée les thèmes exposés dans la série, à savoir la liberté de la presse et la liberté d’expression (thèmes mis en lumière par la reprise de quelques « loupés » journalistiques prêtant à rire).
On note, aussitôt, la coexistence de plusieurs niveaux narratifs. Il s’agit, en premier lieu, d’un travail sériel sur un sujet commun (la presse) ; s’échelonne alors, tout au long de la série de tableaux (qui sont autant d’interrogations ?), une réflexion éminemment discursive entremêlant récits contemporains d’évènements marquants de l’actualité, et surtout ressentis de l’artiste face à l’énumération médiatique de ces derniers. Car la peinture de VALMIGOT a cette sincérité-là : elle n’a d’existence que par les « coups de gueule », les « coups de blues » et les sourires de l’artiste, tout ce qui la construit au plan individuel et au plan collectif. Nous sommes donc en présence d’un travail d’analyse des ressources et des déviances de la presse, travail au sein duquel apparaît toujours, en filigrane ou en explicite résonance, la figure de la plasticienne.
En guise de préalable, VALMIGOT détaille l’impératif recul dont doit se prémunir le lecteur de presse pour accéder au dévoilement de l’Information. A cet égard, l’artiste souligne la nécessité d’une démarche active du lecteur dans la toile Ajuster l’information [2] au sein de laquelle sont figurés des outils de mécanique tels une clé anglaise ou des ciseaux (ceux-ci symbolisent l’obligation de « faire le tri par recoupement » parmi les renseignements transmis) ainsi que le visuel du mensuel tropézien et divers extraits de journaux. Un personnage en train de lire est figuré à l’aide de traits nous renvoyant à une éventuelle enquête policière dans laquelle le corps du mort est visuellement schématisé, ou encore à un « patron » de couture qu’il faudrait découper (la localisation des ciseaux sur les traits semble à cet égard explicite). A la place de sa tête se trouve un boulon. VALMIGOT nous adresse ici une proposition : l’analyse de l’information est « une mécanique intellectuelle ; pour comprendre un journal, il faut faire fonctionner sa tête, ses neurones et ajuster l’information »[3], afin d’éclaircir le mystère (celui du meurtre supposé ? du possible vêtement à confectionner ? celui de l’article ?).
Le peintre poursuit sa mise en garde avec beaucoup de franchise en étayant ses propos. En effet, cette dernière nous rappelle qu’une pléthore de documents est mise à la disposition de chacun, documents s’entrelaçant brutalement sans distinction quant à leur justesse. L’œuvre Manchette : circulation circulaire [4] en est une démonstration.(…)
(…)Afin de clore cet exposé — cette conclusion reste provisoire puisque notre sélection d’œuvres n’a absolument rien d’exhaustif tant VALMIGOT est une artiste très prolifique —, nous souhaiterions prendre en compte le tableau Approuvé [5], lequel paraît à lui seul résumer l’ensemble de ce développement pictural.
La toile montre une empreinte de grand format (elle occupe l’essentiel de la toile), réalisée en pâte à papier faite à partir de journaux recyclés. Entre ses sillons digitaux constitutifs, se déroule l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme concernant précisément la liberté d’expression. L’image est estampillée, sur toute sa largeur, « censuré », ce qui paraît être anachronique vis-à-vis du titre « Approuvé » : ce tableau, de même que ceux que nous avons préalablement décrits, tient plus lieu de cri d’angoisse et d’urgence que de réquisitoire ; comme le soulignait fort pertinemment VALMIGOT, les statistiques de Reporters sans frontières en 2010 montraient que la France n’occupait que la 44ème position sur 178 pays (en 2002, celle-ci se trouvait à la 11ème place du classement !). Ce constat pousse alors l’artiste à s’interroger. De fait, elle se demande si cette situation est véritablement envisageable pour une nation qui se prétend inventeur des Droits de l’Homme et héraut de la démocratie. Le fond de la toile, en lumière rasante, fait apparaître un quadrillage construit selon les proportions du nombre d’or PHI (1,618), symbole de perfection, qui nous renverrait, par extension, à la volonté humaine de totalement contrôler son univers : afin de signifier, en quelque sorte, le contre-pied à cette recherche perpétuelle et inassouvie de domination, VALMIGOT utilise volontairement un cadre incomplet équivalant alors, métaphoriquement, à l’impossibilité de soumettre, donc « d’encadrer » l’exercice de la liberté.
Nous aurons ainsi compris, au vu de cet exposé peint, que la liberté de la presse, et par là même les fondements de la Démocratie, sont extrêmement fragiles. Sur un mode critique, tantôt amusé, tantôt écoeuré, mais sans aucun jugement hâtif, VALMIGOT « nous offre », en quelque sorte, une lettre ouverte nous demandant explicitement jusqu’où nous sommes prêts à sacrifier notre liberté."
[1] VALMIGOT, Conte de faits, le livre, couverture à base de papier journal recyclé puis peint, 90x30cm, galerie Sens Intérieur, Port Cogolin, 2011.
[2] VALMIGOT, Ajuster l’information, huile, journaux, objets sur toile, 90x60 cm, lieu cons. id., 2011.
[3] Conversation avec Valmigot, 16 septembre 11, Villa Tamaris, La Seyne sur mer.
[4] VALMIGOT, Manchette : circulation circulaire, huile, papier marouflé et incrustations sur toile, 90x60 cm, 2011.
[5] VALMIGOT, Approuvé, huile et papier sur toile, 162x114 cm, 2011.